Maître Folace : Charmante soirée, n'est ce pas ? Vous savez combien ça va nous coûter ? 2 000 francs. Nouveaux.
Fernand Naudin : Y'en a qui gaspillent, et y'en a d'autres qui collectent. Qu'est-ce que vous dites de ça, hein ?!
[Fernand dépose sur la table une sacoche bourrée de billets de banque]
Jean [entre dans la cuisine] : Faudrait encore des sandwichs à la purée d'anchois, ils partent bien ceux-là.
Fernand Naudin : Voilà vos encaissements en retard et aggravés d'une amende en plus. Les Volfoni ont essayé de me flinguer, oui Maître !
Maître Folace : C'est pourtant pas leur genre !
Fernand Naudin : Et ben ça prouve qu'ils ont changé de genre. Voilà !
Jean [prend deux flingues cachés dans une boîte de biscuits] : Quand ça change, ça change. Faut jamais se laisser démonter !
Maître Folace : Vous croyez qu'ils oseraient venir ici ?
Fernand Naudin : Les cons ça osent tout ! C'est même à ça qu'on les reconnaît.
[Les Volfoni sonnent à la porte... et entrent]
Paul Volfoni : Sûr que tu t'es pas gouré de crèche ?
Raoul Volfoni : J'me goure jamais ! En rien !
Une jeune fille : Scotch ou jus de fruit ?
Raoul Volfoni : J'veux rien ! Si c'est notre pognon qu'ils sont en train d'arroser les p'tits comiques, ça va saigner.
Raoul Volfoni : Dites donc mon brave
Jean : Monsieur ?
Raoul Volfoni : Il est là vot' patron ?.
Jean : Qui demandez-vous ?
Paul Volfoni : Monsieur Fernand Naudin.
Raoul Volfoni : Monsieur Fernand... Fernand l'emmerdeur ! Fernand le malhonnête ! c'est comme ça que j'l'appelle moi !
Jean : Si ces messieurs veulent bien me suivre.
Raoul Volfoni : Et comment ! [à Paul] Alors tu viens, dis !
Jean : Si vous voulez vous donnez la peine d'entrer.
[Dans la cuisine]
Raoul Volfoni : Bougez pas ! Les mains sur la table ! Je vous préviens qu'on a la puissance de feu d'un croiseur, et des flingues de concours.
Jean [braquant les Volfoni dans le dos] : Si ces messieurs veulent bien me les confier.
Raoul Volfoni : Quoi ?
[Patricia entre]
Patricia : Ah mes enfants, nous sommes en panne de sandwichs. Tu sais mon oncle, tes amis peuvent danser. [elle ressort]
Jean : Allons vite messieurs ! Quelqu'un pourrait venir, on pourrait se méprendre et on jaserait. Nous venons déjà de frôler l'incident.
Fernand Naudin [à Raoul] : Tu sais ce que je devrais faire... rien que pour le principe.
Raoul Volfoni : Tu trouves pas qu'c'est un peu rapproché ?
Paul Volfoni : J'te disais que cette démarche ne s'imposait pas. Au fond maintenant, les diplomates prendraient plûtot le pas sur les hommes d'action. L'époque serait aux tables rondes et à la détente. hein ? Qu'est-ce que t'en penses ?
Fernand Naudin : J'dis pas non.
Raoul Volfoni : Mais dis-donc, on est quand même pas venu pour beurrer les sandwichs !
Paul Volfoni : Pourquoi pas ?! Au contraire, les tâches ménagères ne sont pas sans noblesse. Surtout parce qu'elles constituent le premier pas vers des négociations fructueuses. Hein ? [prend un couteau pour beurrer les sandwiches] Merci.
Fernand Naudin [en parlant de la sacoche de billets] : Maître Folace, vous devriez planquer les motifs de fâcher !
Paul Volfoni : Oh ! Monsieur Fernand...
Fernand Naudin : Y connaît la vie Monsieur Paul. Mais pour en r'venir au travail manuel, là, c'que vous disiez est finement observé et puis, ça reste une base.
Raoul Volfoni : Et bah c'est bien vrai. Si on rigolait plus souvent, on aurait moins la tête aux bêtises.
[Une jeune fille complètement ivre vient chercher du scotch et touche à la sacoche car il n'y a en plus et elle veut en racheter]
Maître Folace : Touche pas au grisby, salope !
Paul Volfoni : L'alcool à cet âge là... enfin !
Fernand Naudin : Non mais c'est un scandale !
Raoul Volfoni : Nous par contre on est des adultes. On pourrait peut être s'en faire un p'tit ?
Fernand Naudin : Ca le fait est, Maître Folace ?
Maître Folace : Seulement le tout venant a été piraté par les mômes. Qu'est ce qu'on se fait? On se risque sur le bizarre ? [sort une bouteille du placard] Ca va rajeunir personne !
Raoul Volfoni : Ah nous v'là sauvés !
Maître Folace : Sauvés... faut voir.
Jean : Tiens, vous avez sorti le vitriol ?!
Paul Volfoni : Pourquoi vous dites ça ? Il a pourtant l'air honnête.
Fernand Naudin : Sans être franchement malhonnête, au premier abord, comme ça il a l'air assez curieux.
Maître Folace : Y date du mexicain, du temps des grandes heures, seulement on a dû arrêter la fabrication : y a des clients qui devenaient aveugles, alors ça faisait des histoires.
[Ils trinquent]
Raoul Volfoni [le visage congestionné] : Faut reconnaître, c'est du brutal !
Paul Volfoni [les larmes aux yeux] : Vous avez raison il est curieux !
Fernand Naudin : J'ai connu une polonaise qu'en prenait au p'tit déjeuner. [après avoir bu la voix devient rauque] Faut quand même admettre que c'est plutôt une boisson d'homme.
Raoul Volfoni : Tu sais pas ce qu'il me rappelle, c't espèce de drôlerie qu'on buvait dans une p'tite taule de Bien-Hoa pas tellement loin de Saigon... Les volets rouges ... et la taulière, une blonde commak... Comment qu'elle s'appelait Nom de Dieu ?
Fernand Naudin : Lulu la Nantaise !
Raoul Volfoni : T'as connu !?
[Fernand lève les yeux au ciel]
Paul Volfoni : J'y trouve un goût de pomme
Maître Folace : Y en a !
Raoul Volfoni : Et c'est devant chez elle que Lucien le Cheval s'est fait déssouder.
Fernand Naudin : Et par qui ? Hein ?
Raoul Volfoni : Bah v'la que j'ai plus ma tête !
Fernand Naudin : Par Teddy de Montréal, un fondu qui travaillait qu'à la dynamite.
Raoul Volfoni : Toute une époque...
[cut, scène suivante : tous sont ivres dans la cuisine]
Maître Folace : D'accord, d'accord, je dis pas qu'à la fin de sa vie, Jo le Trembleur, il avait pas un peu baissé ; mais n'empêche que pendant les années terribles, sous l'occup', il butait à tout va ! Il a quand même décimé toute une division de panzer ! ah.
Raoul Volfoni : Il était dans les chars ?
Fernand Naudin : Non ! Dans la limonade ! Sois à ce qu'on t'dit !
Raoul Volfoni : Mais j'ai pu ma tête ! j'ai pu ma...
Maître Folace : Il avait son secret le Jo...
Raoul Volfoni [se levant brutalement] : c'est où ?
Jean : À droite, au fond du couloir.
Maître Folace : Hé, Hé, Hé ! 50 kilos de patates, un sac de sciure de bois, il te sortait 25 litres de 3 étoiles à l'alambic. Un vrai magicien le Jo. Et c'est pour ça que je me permets d'intimer l'ordre à certains salisseurs de mémoires qui feraient mieux fermer leur claque-merde ! ah.
Paul Volfoni : Vous avez beau dire, y'a pas seulement que de la pomme, y'a aut'chose. Ça serait pas des fois de la betterave, hein ?
Fernand Naudin : Si, y'en a aussi.
Raoul Volfoni [bourré comme un coing dans le salon, à Patricia] : On vous apprend quoi à l'école mon petit chat ? Les jolies filles en savent toujours trop. Vous savez comment je le vois votre avenir ? Vous voulez savoir ?!
Patricia [se dérobant] : Non, non, non
Raoul Volfoni : Bin je vais vous le dire quand même. Je vois une carrière internationale. Les voyages. L'Egypte par exemple, c'est pas commun ça l'Egypte, et puis ce qu'il y a de bien c'est que là bas l'artiste est toujours gâté !
Antoine : Patricia ? Monsieur désire un renseignement ?
Patricia : Non, monsieur me proposait une tournée en Egypte.
Antoine : Hein ?!
Raoul Volfoni : Non, je disais l'Egypte comme ça. J'aurai aussi bien pu dire le Liban.
Antoine : Je vois, monsieur dirige sans doute une agence de voyage.
Patricia : Mais non voyons, chéri. Monsieur fait la traite des blanches. Mais tu sais que c'est courant. Aller viens.
[retour dans la cuisine]
Fernand Naudin [avalant quelques petits fours] Je mangerai bien quelque chose de consistant, moi.
Raoul Volfoni [revenant] : Dis donc, elle est maquée à un jaloux ta nièce. Je faisais un brin de causette, le genre réservé, tu me connais : mousse et pampre, v'là tout à coup qu'un p'tit cave est venu me chercher ! Les gros mots et tout !
Fernand Naudin : Quoi ! Monsieur Antoine ! Suffit pas d'lui faire franchir les portes, faut p't'être le faire passer au travers !
Jean : J's'rai pas étonné qu'on ferme !